Page:Gautier - Tableaux à la plume, Fasquelle, 1880.djvu/163

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paraître, frais, brillant, radieux comme un bouquet de fleurs illuminé d’un rayon de soleil.

Le groupe central est dégagé. La petite Vierge nage dans la lumière. La vieille matrone, la tia, comme diraient les Espagnols, qui soutient le berceau, débarbouillée de son hâle d’Égyptienne, a repris les couleurs de la vie. La belle fille qui se penche a quitté ses haillons fuligineux pour des vêtements lilas, vert tendre et paille ; son bras satiné et blanc, fouetté d’une touche vermeille au coude, attend avec impatience qu’on lui ôte le gant de bistre qui brunit encore sa charmante main. Mais ce qu’il y a de plus merveilleux dans ce groupe, c’est un ange adolescent, modelé avec rien, une vapeur rose glacée d’argent qui penche coquettement la plus adorable tête faite de trois coups de pinceau et appuie contre sa poitrine une main longue et fine, aux doigts noyés dans les plis de l’étoffe comme dans les pétales d’une fleur. Qui eût deviné cette beauté idéale, cette grâce ineffable, cette lumière angélique, sous les tons qui l’offusquaient et faisaient ressembler la céleste créature à un ramoneur fardé de suie ?

Près de la chaise placée à la gauche du spectateur on remarque un petit chien, un bichon de La Havane, à longs poils blancs, soyeux ; on ne l’a savonné qu’en partie. Jamais barbet plus immonde n’a barboté dans les tas d’ordures, si l’on s’en rapporte à