Page:Gautier - Tableaux à la plume, Fasquelle, 1880.djvu/245

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imagination songeuse, puissante et bizarre. Sa palette, si riche pourtant, ne lui a pas donné une gamme d’effets plus étendue.

Il n’est guère de peintre qui, à la marge de son œuvre, n’ait griffonné quelques eaux-fortes recueillies précieusement par la postérité. Salvator Rosa, entre un tableau et une mascarade, a égratigné le vernis noir du bout de son poignard, et y a dessiné, avec sa crânerie caractéristique, des brigands et des soldats ; Jacques Callot a fait mordre par l’acide tout ce monde fourmillant de bohémiens, de vagabonds et de masques ; Berghem s’en est servi pour fixer dans leurs naïves attitudes les vaches et les moutons, ses modèles ordinaires ; Pérelle a employé l’eau-forte dans cette suite de paysages dont les lignes simples et sévères rappellent le Poussin ; Piranèse lui a fait exprimer ses étonnantes hallucinations architecturales où le monument prend l’aspect du cauchemar, où la ruine semble vivre d’une vie étrange et monstrueuse ; Tiepolo grave, d’une pointe aussi légère que son pinceau, ses apothéoses de saintes qui ressemblent à des gloires d’opéra ; Boissieu dessine des paysans, des vieillards, des ermites ; Saint-Nou tortille spirituellement en rocaille les antiquités romaines ; Cazotte se moque des gravures au pointillé par les images naïvement barbares de son Diable amoureux ; Goya retrace les éventrements du cirque et les exploits des toreros…