Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/275

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— Vous dont l’existence coule parmi les ris, les jeux et les plaisir, vous ennuyer !

— Que pourrai-je faire pour sortir d’un état si funeste ?

— Si vous changiez votre sapajou contre un ouistiti, et votre carlin contre un gredin ?

— C’est une idée que vous me donnez là ; j’essayerai ; mais j’ai bien peur que ce moyen ne me suffise pas.

— À votre place, je renouvellerai la tenture de ce cabinet ; le bleu a quelque chose de trop langoureux qui pousse à la rêverie ; une nuance plus égayée conviendrait mieux à la situation de votre âme : rose tendre, par exemple ?

— Oui, rose tendre glacé d’argent, cela me tirerait un peu de mes idées noires ; je manderai mon tapissier. En attendant, trouvez-moi quelque chose qui m’amuse.

— Voulez-vous que je vous fasse la lecture ? la table est couverte de brochures, de livres et d’ana de toutes sortes d’auteurs. Ce n’est pas que je fasse le moindre cas de ces grimauds, de ces gratte-papier ; mais quelquefois, parmi les saugrenuités que ces espèces tirent de leurs cervelles biscornues, il se trouve des drôleries dont on peut rire sans conséquence. Voici le Grelot, l’Écumoire, les Matines de Cythère, dit l’abbé en feuilletant les volumes. Vous plairait-il d’entendre le discours où la fée Moustache, métamorphosée en taupe par la rancune du génie Jonquille, énumère à Tanzaï et à Néadarné les perfections du prince Cormoran, son amoureux ? C’est un beau morceau. »

La marquise de Champrosé fit un signe d’assentiment, s’arrangea dans sa bergère, allongea sur un tabouret ses petits pieds chaussés de mules qu’une Chinoise n’eût pas trouvées trop grandes, et parut résignée à l’audition du chef-d’œuvre.