Page:Gazier - Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, tome 1.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
chapitre v

gouverner les âmes une à une, Singlin jugé insuffisant, Barcos, Le Maître, d’Andilly, Antoine Arnauld et finalement la mère Angélique, l’incomparable historien conclut que « Port-Royal, au moment où la bulle arrivait, était une place de beaucoup plus de formidable apparence que de résistance solide » ; à quoi Port-Royal, même inspiré par Saint Cyran, aurait pu répondre qu’il n’était nullement une citadelle, car il ne doit point y en avoir dans l’Église de Jésus-Christ, mais un simple bercail dont le berger seul doit assurer la défense ; ce sont des choses que Sainte-Beuve ne pouvait pas comprendre, et son jugement sur l’attitude de Port-Royal à dater de 1653, ne saurait faire autorité.

Un autre chapitre d’Hermant qu’il faut étudier de près, c’est celui qui est relatif à l’acceptation de la bulle[1]. Hermant y représente au naturel la conduite des principaux disciples de saint Augustin, de ceux que les Jésuites dénonçaient à tout l’univers comme les coryphées du jansénisme, Duhamel, curé de Saint-Merry, Feydeau son vicaire, le docteur Sainte-Beuve, etc. On s’attendait à des récriminations, à une véritable levée de boucliers contre le Saint Siège ; « mais on vit tout le contraire ; on n’entendit ni cris, ni murmures, ni plaintes, ni reproches de leur part. Jamais leurs prédicateurs ne furent plus modérés ; on ne les ouït parler que de douceur, que de paix, que d’obéissance, que de soumission, que d’unité, que de souffrance. » Tous acceptèrent sans arrière-pensée la condamnation par Innocent X des cinq propositions qu’ils avaient condamnées dès le ier juillet 1649. Arnauld caché n’écrivait plus, et le silence obstiné d’un

  1. Hermant, II, 149.