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chapitre vi

qui « excellait, dit-il, dans la conduite des âmes. Son bon sens, joint à une piété et à une charité extraordinaires, imprimaient un tel respect, que bien qu’il n’eût pas la même étendue de génie et de science que M. Arnauld, non seulement les religieuses, mais M. Arnauld lui-même, M. Pascal, M. Le Maître et tous ces autres esprits si sublimes, avaient pour lui une docilité d’enfant, et se conduisaient en toutes choses par ses avis ».

Voici enfin, pour achever cet exposé sommaire de l’accalmie produite par les Provinciales et par le miracle de la Sainte Épine, une anecdote relative à la paroisse Saint-Sulpice et au duc de Liancourt, dont l’excommunication scandaleuse avait été la cause première de l’affaire Arnauld. Le successeur de M. Olier dans la cure de Saint-Sulpice, M. Le Ragois de Bretonvilliers, était, au même degré que lui, un moliniste fougueux. Le 24 juin 1657, il monta en chaire, tenant entre ses mains la bulle d’Alexandre VII contre Jansénius, et il s’emporta de la manière la plus extraordinaire ; il fit même une allusion transparente au duc de Liancourt, qui était dans l’auditoire, et il s’écria : « Il n’est plus temps de parler d’union et de paix, il faut traiter ces gens-là avec toute sorte de rigueur. On a tout perdu dans le passé en usant à leur endroit de douceur ; il les faut considérer comme des opiniâtres, se séparer de leur conversation comme de ceux de Charenton ou plus[1]. » Et aussitôt après cette nouvelle déclaration de guerre, au cours de la même messe en l’honneur de saint Jean, le curé Bretonvilliers reçut à l’offrande le duc et la duchesse de Liancourt, il leur fit baiser la patène et il les communia de sa main.

  1. Hermant, tome III, p. 466.