Page:Gazier - Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, tome 1.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
240
histoire du mouvement janséniste

il agit avec vigueur auprès du Parlement, des évêques et de la Sorbonne. Mais il se heurta dès le premier jour à des difficultés qu’il n’avait pas prévues, car la Bulle ne lui avait pas été communiquée avant sa promulgation, comme c’était convenu, et elle contenait des propositions que les ministres n’auraient pas tolérées. Le roi voulait commencer par l’enregistrement de lettres patentes acceptant la Bulle ; après quoi on l’aurait communiquée aux évêques ; mais il ne fut pas possible de procéder ainsi. La Bulle fut d’abord soumise à une assemblée d’évêques, une « assemblée de rencontre », disait Pontchartrain, car on prit ceux qui se trouvèrent à Paris, des prélats courtisans qui ne résidaient point, et on leur adjoignit des évêques dont on était absolument sûr. Mais comme la Bulle trouvait, au dire de Daguesseau, presque autant d’ennemis que de lecteurs ; comme « on criait hautement qu’elle détruisait la foi, rejetait la nécessité de la grâce, effaçait l’Évangile et renversait la religion[1] », les évêques ne purent l’accepter par acclamation comme on l’avait espéré ; il fallut l’examiner en détail, tâcher de la justifier, et finalement les évêques l’acceptèrent, mais en accompagnant leur acceptation d’une instruction pastorale bien compromettante pour elle, et dont on a pu dire qu’elle sauvait la foi aux dépens de la bonne foi. Un des acceptants alla même jusqu’à dire qu’il fallait défendre aux fidèles de lire la Bulle sans les explications qui en étaient « le contrepoison ». C’est ce qu’on appelle l’instruction des Quarante. Parmi les évêques de l’assemblée, qui dura cinq mois, il s’en trouva huit (et Noailles était à leur tête), qui ne voulurent pas con-

  1. Fragment inédit des Mémoires de Daguesseau. — Bulletin historique du Comité des travaux historiques, année 1918.