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chapitre xiii

ses ; mais elles pouvaient aussi être scandaleuses, ou enfin hérétiques et renouvelant diverses hérésies, et notamment le jansénisme. Un exemple précis montrera les avantages et les inconvénients de cette manière de procéder. La proposition qui a soulevé le plus de colère, c’est la 91e, ainsi conçue : « La crainte d’une excommunication injuste ne nous doit jamais empêcher de faire notre devoir. » Si cette proposition est condamnée en vertu de l’adverbe respectivement comme impie, blasphématoire et hérétique, les conséquences d’une telle condamnation peuvent être incalculables ; mais il se pourrait aussi qu’elle fût simplement jugée offensante pour les oreilles pieuses, car un bon catholique ne devrait pas admettre qu’il puisse y avoir des excommunications injustes[1]. Il en serait de même sans doute pour beaucoup d’autres propositions si la respective n’était pas là pour leur faire appliquer les censures les plus fortes.

Cette façon de condamner en bloc, sans vouloir dire quelle flétrissure elles méritent, un si grand nombre de propositions différentes est véritablement étrange, et l’on s’explique d’autant moins le mutisme de Clément XI qu’il a fait déposer dans les archives du Vatican les 155 jugements qu’il avait portés lui-même, après les consulteurs, sur les 155 propositions dénoncées par les Jésuites. Il en a noté près de quarante comme « hérétiques, voisines de l’hérésie, suspectes d’hérésie ou sentant l’hérésie » — haeretica, haeresi proxima, suspecta de haeresi, sapiens hæresim. Et ce que les contemporains n’ont jamais pu savoir, nous le savons aujourd’hui ; ce n’est pas une des moindres

  1. Voici le jugement de Clément XI sur cette proposition periculosa, suspecta, scandalosa et favens schiismati. C’était la 125e des 155 qui furent examinées et réduites à 101.