Page:Gazier - Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, tome 1.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
histoire du mouvement janséniste

surprises que ménage aux historiens l’étude attentive de la Bulle Unigenitus. Nous apprenons même, grâce à ces précieuses archives du Vatican et aux copies qui en ont été faites en 1814, que plusieurs des propositions condamnées, notamment la 12e et la 91e dont il vient d’être fait mention, ont été censurées quoique contenant, de l’aveu même des censeurs, des vérités constantes qu’il n’est pas permis de flétrir, mais dont on pourrait abuser. Comme si l’on ne pouvait pas abuser de toutes les vérités, et particulièrement de celles qui se trouvent à chaque page dans l’Évangile ! Il eût été bon de prévenir le lecteur, ou à tout le moins de ne pas taxer d’hérésie des propositions que l’on reconnaissait parfaitement orthodoxes[1]. Procéder comme a fait la Bulle c’était vraiment abuser du désir d’empêcher les abus.

Les cent une propositions n’étaient pas présentées au hasard ; on les avait groupées avec méthode, et elles se rapportaient à divers chefs ; les anciens historiens de la Bulle en comptaient cinq : Grâce et prédestination — Morale — Règles de la pénitence — Hiérarchie — Lecture des livres saints. Ce qui était anathématisé sous ces différents chefs, c’était la pure

  1. On voit dans une relation manuscrite du célèbre abbé Couet dont il sera fait mention dans le chapitre suivant, que le janséniste Hideux, curé des Saints-Innocents et syndic de Sorbonne en 1717, avait signalé à Quesnel lui-même cent cinquante propositions qui auraient besoin de correctif parce qu’elles étaient dures, peu correctes, et censurables. Quesnel lui avait promis de les corriger dans une prochaine édition. Il serait intéressant de savoir si quelques-unes de ces propositions ont été visées par Clément XI. — Au dire de Languet de Gergy, l’Église peut et doit même condamner des propositions vraies lorsqu’on en abuse ou qu’on pourrait en abuser. Il s’agissait de poursuivre le jansénisme jusque dans ses dernières retraites ; on pouvait donc recourir à des condamnations mensongères !