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chapitre xiv

il ne décidait rien ; c’était une simple trêve qui pouvait durer des siècles et qui empêchait de conclure la paix. Comme le disaient alors même de très bons esprits, il ne remédiait pas aux maux de l’Église, et il ne mettait pas la vérité en sûreté. « La suspension que produit l’appel, disait un modéré, peut-être l’abbé Couet, le principal négociateur de 1720, aigrit le mal au lieu de radoucir ; les esprits n’en sont que plus agités, les ecclésiastiques et les communautés plus troublés, l’autorité épiscopale avilie, l’Église exposée aux insultes des hérétiques et la religion méprisée[1]. » Si la Bulle autorisait clairement l’erreur et condamnait clairement la vérité, il faudrait combattre à outrance et rejeter tout accommodement. Mais s’il peut être établi que, n’étant pas une règle de foi, elle n’est pas une règle d’erreur, la voie des explications serait peut-être un moyen d’arriver à une transaction qui donnerait la paix et qui sauverait la vérité. On comprend donc que l’honnête Noailles ait été en 1720 plus perplexe que jamais, et qu’il ait donné les mains à une tentative de pacification sans néanmoins renier son passé et sans révoquer son appel.

Clément XI mourut en 1721 et son successeur Innocent XIII, qui occupa le trône pontifical un peu moins de trois ans, ne se départit pas de l’intransigeance de son prédécesseur au sujet de la Bulle Unigenitus. Les appelants et leurs amis durent comprendre qu’il n’y avait rien à espérer de Rome, et à Paris la majorité du roi et la mort du duc d’Orléans ne rendirent pas leur situation meilleure. Le gouvernement faisait tout au monde pour autoriser la Bulle et pour intimider ou pour châtier ses adversaires.

  1. Lettre ms. du temps.