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chapitre iv

chrétien est trop forte pour la tendresse de madame…. Enfin, mon cher frère, la conduite de l’évangile n’est que pour les petits et les pauvres et non pour les grands, que Dieu conduit par des miracles quand il veut les sauver et non par les voies ordinaires[1]…. »

Telle a été la cause du relâchement de la princesse, qui n’est pas retombée dans les désordres de sa jeunesse, et qui en toute occasion a manifesté son estime, son admiration, son affection profonde et même sa vénération pour Port-Royal persécuté. Le chevalier de Rohan fut élevé à la cour, avec le jeune roi, et sa mère reparut elle-même au Louvre avec éclat. Néanmoins elle conservait son appartement à Port-Royal ; elle y venait de temps à autre, et, en 1652, bien qu’il fût alors démeublé depuis longtemps, elle refusa de le céder à sa grande amie Mme de Sablé, qui dut construire à côté. Il y a plus, car voici ce qu’on peut lire à son sujet dans une lettre de la Mère Angélique à la reine de Pologne (2 avril 1648) « Nous sommes bien affligées de notre pauvre Mme de Guéméné, qui est à l’extrémité depuis deux jours qu’elle a reçu l’extrême-onction. Hier on la crut hors de danger, mais aujourd’hui on n’espère presque plus rien…. M. Singlin n’en bouge ; dans ses rêveries [dans son délire] elle ne connaît que lui. Votre Majesté sait bien pourquoi nous en sommes plus affligées ; néanmoins, par la bonté de Dieu, elle est bien disposée, et dans les heures qu’elle a plus de connaissance, et auparavant qu’elle entrât en rêverie, qui n’a été que le lendemain de sa sainte communion, elle disait sans cesse : Tout le monde n’est que niaiserie, bagatelle et un pur néant. Cela nous fait croire que s’il plaisait à Dieu de

  1. Ibid. I, p. 273.