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chapitre v

signée sans savoir de quoi il s’agissait, et par pure déférence pour la signature de leurs confrères. »

Il n’en fut pas de même de quelques autres prélats, et non des moindres, qui se montrèrent, dit encore Racine, « plus jaloux de l’honneur de leur caractère ». Non seulement ils refusèrent de signer la lettre d’Habert, mais ils en rédigèrent une autre qui contredisait et réfutait vigoureusement la précédente. Ils y parlaient des cinq propositions comme « faites à plaisir et composées en des termes ambigus, qui ne pouvaient produire d’elles-mêmes que des disputes pleines de chaleur. » Ils priaient le Saint Père de n’en tenir aucun compte ; ils le mettaient en garde contre une condamnation précipitée, et disaient que ceux qui seraient condamnés se plaindraient avec justice de l’avoir été par les calomnies et les artifices de leurs adversaires, sans avoir été entendus dans leurs raisons. Enfin ils osaient dire au pape qu’il pouvait être surpris, et ils ajoutaient qu’il n’y avait pas lieu à décision nouvelle, l’augustinisme étant depuis longtemps reconnu par les conciles et par les papes comme la doctrine de l’Église elle-même sur la question de la grâce[1].

Cette lettre digne de saint Bernard ne fut pas bien accueillie à Rome, et les docteurs que les évêques avaient envoyés pour soutenir dans les congrégations la doctrine de saint Augustin furent reçus très froidement. Le pape circonvenu par les Jésuites était ré-

  1. Racine a transmis à la postérité les noms de quelques-uns de ces courageux évêques : Gondrin, Vialart, Alphonse d’Elbène, Gilbert de Choiseul, Choart de Buzenval et Henri Arnauld. Il y faut joindre les autres, B. d’Elbène, évêque d’Agen ; Bernard, évêque de Saint-Papoul ; H. de Salette, évêque de Lescar ; François Faure, évêque d’Amiens ; les évêques de Valence et de Die. L’archevêque de Toulouse, Monchal, et l’évêque de Vence, Godeau, écrivirent dans le même sens des lettres individuelles.