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t’établirai sur un peuple grand, nombreux et plus puissant. » Alors Moïse s’écria : « Non, Seigneur ! pardonnez-leur, ou bien effacez-moi du livre des vivants. » Ô prodige de charité, ô perfection que rien ne peut surpasser ! le serviteur parle librement à son maître ; il demande pardon pour son peuple ou veut périr avec lui !

Qui d’entre vous est assez généreux, assez humain, assez compatissant pour s’écrier : Si à cause de moi on se dispute, on se divise, on fait schisme, je cède, je me retire où l’on voudra ; je consens à tout ce que le peuple demande de moi, pourvu que le troupeau de Jésus-Christ, que les prêtres établis pour le gouverner, demeurent dans l’union et dans la paix.

Une gloire immense sera le prix d’une telle conduite ; celui qui saura la tenir est sûr de trouver partout un asile ; car la terre et tout ce qu’elle renferme est au Seigneur.

Telle a été et telle sera toujours la conduite de ceux qui vivent de cette vie toute divine qui ne laisse jamais de repentir. Ne trouvons-nous pas chez les païens eux-mêmes des exemples d’un semblable dévouement ? N’a-t-on pas vu des princes, des rois, pendant les ravages de la peste, s’offrir eux-mêmes à la mort pour sauver la vie de leurs sujets ? N’a-t-on pas vu de généreux citoyens se bannir de leur patrie pour arrêter une sédition ?

On en connaît parmi nous qui ont présenté leurs mains aux chaînes pour en délivrer leurs frères ; d’autres qui se sont réduits en esclavage, et avec le prix de leur liberté ont acheté du pain à leurs frères[1].

Que de femmes, soutenues de la grâce de Jésus-Christ, se sont élevées, par l’héroïsme de leur courage, au-dessus de la faiblesse de leur sexe !

  1. Le dévoûment de Vincent de Paul a commencé avec l’Église. La charité fraternelle était si bien pratiquée par les premiers Chrétiens, que les païens, en parlant d’eux, se disaient les uns aux autres : « Quelle espèce nouvelle de gens est-ce ceci ? Voyez avec quelle tendresse ils s’aiment. Ils n’ont rien en propre et en particulier ; ce que l’un possède appartient à tous ; leur vie même n’est pas à eux, ils sont prêts, à la sacrifier les uns pour les autres. »