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barbarie, et un siècle avait suffi pour opérer cette révolution. Les philosophes parlent de ce grand événement comme les docteurs de l’Église :

« L’Évangile, dit Bayle, prêché par des gens sans nom, sans étude, sans éloquence, cruellement persécutés et destitués de tous les appuis humains, ne laissa pas de s’établir en peu de temps par toute la terre. C’est un fait que personne ne peut nier et qui prouve que c’est l’ouvrage de Dieu. »

« Après la mort de Jésus-Christ, dit Rousseau, douze pauvres pêcheurs et artisans entreprirent d’instruire et de convertir le monde. Leur méthode était simple : ils prêchaient sans art, mais avec un cœur pénétré ; et de tous les miracles dont Dieu honorait leur foi, le plus frappant était la sainteté de leur vie. Leurs disciples suivirent cet exemple, et le succès fut prodigieux. Les prêtres païens, alarmés, firent entendre aux princes que l’État était perdu, parce que les offrandes diminuaient. Les persécutions s’élevèrent, et les persécutions ne firent qu’accélérer le progrès de cette religion qu’ils voulaient étouffer. Tous les Chrétiens couraient au martyre, tous les peuples couraient au baptême. L’histoire de ces premiers temps est un prodige continuel. »

Et cependant, au commencement de ce siècle, Celse regarde comme une folie le projet de donner la même croyance et les mêmes lois aux peuples des trois parties du monde alors connu.

En effet, il fallait engager les Juifs et les païens, qui se détestaient et se méprisaient mutuellement, à fraterniser et à former une seule Église ; accoutumer les maîtres à regarder leurs esclaves comme des égaux ; apprendre aux princes à respecter les droits de l’humanité. Il fallait faire réformer toutes les lois et les coutumes qui blessaient ces droits sacrés ; changer les idées, les mœurs, les habitudes, les prétentions de tous les états, refondre pour ainsi dire le caractère de tous les peuples. On conçoit donc que les Chrétiens, qui opéraient une si grande révolution et heurtaient toutes les passions, dussent être persécutés. Aussi on ne peut s’étonner que la