Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 1.djvu/300

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moi vous n’aimez que l’homme, il me faudra de nouveau rentrer dans la lice. Tout ce que vous pourriez faire pour moi vaut-il le bonheur d’être immolé au Seigneur, quand l’autel est préparé et n’attend plus que la victime !

Tous réunis par l’amour, formez un chœur de louanges, et chantez par Jésus-Christ un hymne de reconnaissance à Dieu le père de ce qu’il nous a jugés dignes qu’un évêque de Syrie se trouvât ainsi transporté d’Orient en Occident pour le martyre. Il m’est glorieux de tomber sous le glaive du monde pour la cause de mon Dieu, afin de me relever en lui.

Jamais vous n’avez porté envie à personne ; vous formiez les autres sur vous-mêmes par vos leçons. Eh bien ! je veux que vous pratiquiez ces leçons à mon égard. Demandez seulement que j’aie la force nécessaire au dedans et au dehors, pour qu’en moi la volonté s’accorde avec les paroles, et que je sois Chrétien, non par le nom, mais par les œuvres. C’est seulement quand j’aurai fait ces œuvres que je pourrai prendre ce titre ; c’est lorsque j’aurai quitté ce monde qu’on pourra m’appeler fidèle. L’apparence n’est rien ; ce n’est pas ce qui frappe les yeux qui est bon. Jamais Jésus-Christ, notre Dieu, ne paraît plus grand que lorsque la foi le contemple caché au sein de son père. La croyance seule ne fait pas le Chrétien, mais la force, puisque ce titre nous signale à la haine du monde.

J’écris aux Églises, je leur mande à toutes que j’aspire à mourir pour Jésus-Christ ; ne vous y opposez pas, ce serait une tendresse hors de saison que je vous conjure de m’épargner. Souffrez que je sois la pâture des bêtes féroces ; par elles je serai plutôt en possession du Seigneur. Je suis le froment de Dieu, je veux être broyé par la dent des bêtes pour devenir le pur et digne pain de Jésus-Christ. Flattez, caressez plutôt des bêtes farouches, pour qu’elles soient mon tombeau ; qu’il ne reste rien de moi ; que je ne nuise à personne quand je ne serai plus[1]. Alors seulement je me croirai un disciple de

  1. Saint Ignace craignait qu’on ne voulût recueillir ses restes, et qu’on ne l’exposât, comme cela arrivait souvent, en gardant ses reliques.