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est inflexible et immuable, ils continueront de vivre dans le crime, regardant comme inutile tout repentir de leur part. D’ailleurs, Platon est-il bien venu de reprocher à Homère d’avoir dit que les dieux sont changeants, lorsque lui-même nous représente son fabricateur de dieux si inconstant qu’il va jusqu’à dire, tantôt que les dieux qu’il a créés sont mortels, tantôt qu’ils sont immortels ? De même, en parlant non-seulement des dieux, mais encore de la matière d’où sont sortis nécessairement ceux qu’il appelle des dieux créés, il dit ici qu’elle a été créée, là qu’elle est incréée. Il ne fait pas attention qu’il se condamne, quand il reproche à Homère la faute dans laquelle il est tombé lui-même. Celui-ci, d’ailleurs, ne donne pas au créateur des dieux ce caractère d’inconstance, ainsi que Platon le lui reproche ; car il lui fait dire, en parlant de lui-même :

« Elle est irrévocable, infaillible et ne reste jamais sans effet, la parole confirmée par le signe de ma tête. » (Iliade, I, 626.)

Mais il est vraisemblable que c’est malgré lui, et parce qu’il craignait de s’attirer la haine des adorateurs des faux dieux, que Platon est tombé dans de pareilles absurdités à leur sujet. Car toutes les fois qu’il trouve l’occasion de parler de la doctrine de Moïse et des prophètes sur l’unité de Dieu, il le fait à mots couverts, et en dit assez pour se faire comprendre des hommes véritablement religieux. Il était surtout charmé de cette parole de Dieu à Moïse : Je suis celui qui suis ; la précision de cette parole, le participe existens, l’avait fait longtemps méditer. Il comprit que Dieu, voulant prouver son éternité à Moïse, avait dit : Ego sum existens ille. Ce mot existens marque non pas un, mais trois modes de temps : le présent, le passé et l’avenir. Platon lui-même emploie ce mot existens pour désigner la durée infinie, quand il dit, en parlant de Dieu, que son existence n’est dans aucun temps ; ces mots, dans aucun temps, ne s’appliquent pas au passé seulement, comme quelques-uns le veulent, mais encore à l’avenir. C’est ce que des auteurs étrangers à la nation grecque ont parfaitement expliqué. Aussi Platon, après avoir exprimé d’une manière mystérieuse, par l’emploi qu’il fait du participe, sa pensée sur l’éternité de Dieu, comme pour se rendre intel-