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Cet ancien poëte nomme trois principaux Cyclopes qui représentent les trois divinités, le Ciel, la Terre et Jupiter, auxquels il voulait qu’on adressât des hommages. Les Titans ayant refusé de reconnaître ce dernier dieu, il s’éleva une guerre entre eux. Les Cyclopes secoururent puissamment les novateurs et leur fournirent, pour ainsi dire, les armes avec lesquelles ils vainquirent leurs ennemis. C’est pourquoi on dit qu’ils forgèrent, pour Jupiter, la foudre et lui apprirent le moyen de faire paraître l’éclair et gronder le tonnerre. L’art de prédire l’avenir par son bruit, connu des anciens sous le nom de Céraunoscopie, auquel ils s’adonnaient, peut encore avoir donné lieu à cette dernière tradition. Ils ne prétendaient point ôter au Ciel sa prééminence ni aux autres leur rang, puisque avant le combat on suppose que Jupiter offrît un sacrifice au Ciel, à la Terre et au Soleil, et qu’ils donnèrent le casque à Pluton et le trident à Neptune. On en vint deux fois aux mains aux pieds du mont Vésuve, suivant Hésiode, qui a transporté ainsi le champ de bataille pour en rendre l’idée plus affreuse.

Quoique déjà vaincus, les Titans n’auraient pas essuyé une seconde défaite sans un transfuge, Prométhée, ministre de l’ancien culte et attaché particulièrement à celui du Ciel, et de Thémis ou la Terre, dont on le faisait le fils, mais homme très-éclairé et digne de vivre dans un siècle moins barbare.

Il avait travaillé à civiliser ses contemporains en les éclairant sur leurs besoins et les instruisant dans la pratique des arts. Vraisemblablement l’honneur et la considération qu’il en retira furent ses plus grands crimes aux yeux des fanatiques sectateurs des divinités étrangères.

Leur ingratitude à son égard était trop manifeste pour qu’ils ne cherchassent pas à calomnier sa mémoire par des fables qui ont prévalu sur la vérité ; la trace de celle-ci serait même entièrement perdue, s’il n’était pas permis de la chercher dans le récit d’Eschyle. Voyant la division et l’animosité qui régnaient entre les deux partis, Prométhée voulut, suivant ce poëte, les concilier ; il s’adressa d’abord aux plus zélés partisans de Saturne, qui dédaignèrent ses conseils, s’imaginant être assez forts pour conserver leurs droits et leurs prérogatives. Alors il offrit ses services à leurs ennemis qui les acceptèrent, et fit déclarer pour eux toutes les personnes qui étant encore attachées au culte de la terre, ne souffraient pas qu’on lui associât ni Saturne, ni aucune autre divinité. C’est ce que désigne Eschyle, en mettant dans la bouche de Prométhée ces paroles : « Je pensais, dans cette circonstance, que le plus sûr était de marier ma mère (la Terre ou Thémis), à Jupiter, et de lui offrir de bonne grâce un secours qu’il désirait. » Il servit utilement à faire triompher les sectateurs de son culte.