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Dès qu’ils furent les maîtres, ils tâchèrent d’assurer leur autorité en laissant élever des autels à toutes les autres divinités, excepté au Ciel et à la Terre, dont ils redoutaient les partisans encore nombreux et accrédités. Ils voulurent même les exterminer et créer une nouvelle race, suivant le langage poétique, c’est-à-dire faire venir à leur place des colons étrangers. Prométhée avertit de ce dessein ceux qui en étaient l’objet et leur en épargna les funestes suites ; il les aida même de ses conseils : ce qui donna lieu à la fable qui lui attribuait d’avoir engagé Hercule à soutenir le Ciel à la place d’Atlas. Furieux de cette découverte et se croyant trahis, les prêtres de Jupiter assouvirent leur vengeance sur le malheureux Prométhée ; ils le chargèrent de chaînes et le jetèrent dans une affreuse prison, dont ils ne sortit qu’après trente ans de la plus dure captivité.

Peut-être crut-il toujours que son parti se relèverait ou qu’il s’en formerait d’autres contre les prêtres de Jupiter. « Il vous semble, disait-il à Mercure, suivant Eschyle, que les palais célestes sont inaccessibles aux revers ; n’en ai-je pas vu tomber deux souverains (Ouranos ou le Ciel, Kronos ou Saturne) ? Je verrai encore la chute de leurs successeurs, elle sera prompte et honteuse. » Soit que la disposition des esprits mécontents du nouveau culte, soit qu’une tradition mystérieuse sur un changement qui devait arriver engageât le poëte tragique à faire parler de la sorte Prométhée, il n’est pas moins certain que la haine et les espérances de cet ancien poëte du ciel et de la terre n’auraient pu être supportées sans blesser l’opinion publique, si elles n’avaient pas eu quelque fondement historique. Vraisemblablement il a fourni l’idée de ces prédictions qu’Eschyle met dans la bouche de son héros infortuné : « Jupiter, tout impérieux qu’il est, sera humilié ; l’hymne qu’il méditait (l’association de son culte à celui de quelque autre divinité) l’a perdu ; privé de son sceptre, il verra s’accomplir les imprécations que fit contre lui son père, quand il fut détrôné par ce fils ingrat. Il n’est que moi parmi les dieux qui puisse le préserver de ce malheur, je le sais ; et lorsque le moment sera venu, qu’il aille s’asseoir hardiment sur un nuage au milieu du vent et du tonnerre, et qu’il secoue dans ses mains les foudres brûlantes. Cet appareil et ce bruit ne le garantiront pas d’une chute ignominieuse. Il se prépare lui-même un adversaire invincible, un rival dont les coups seront plus puissants que le feu du ciel, et qui, par la force de ses armes, étouffera le bruit de la foudre. Il brisera le trident qui sert de lance à Neptune, et qui est le fléau de la terre comme l’effroi de la mer. Après cette révolution, il connaîtra lui-même qu’il est bien différent de commander ou d’obéir. »

Après avoir introduit le culte des dieux, les prêtres se disputèrent en-