Page:Gevrey - Essai sur les Comores, 1870.djvu/47

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de tout péril, l’homme le plus accoutumé à braver les dangers ne peut se défendre d’une émotion de terreur, surtout aux époques de la pleine lune ou lorsqu’elle doit changer. Dans ces cas, on s’abstient cependant de charger les balsas de marchandises que l’humidité pourrait détériorer ; mais comme cet état dure de quatre à cinq jours, on ne peut communiquer qu’à l’aide du balsa avec le navire qui est sous le voile ou mouillé à quelque distance de la côte.

J’ai plusieurs fois essayé de passer dans ces circonstances, soit de mon bord à la côte, soit de terre à mon navire, avec une embarcation légère construite à cet effet, et manœuvrée par mes plus habiles marins, mais j’ai dû y renoncer, car malgré de fréquentes tentatives et l’emploi de tous les moyens imaginables, je n’ai jamais pu aborder une seule fois sans que mon canot fut rempli par des coups de mer, quand il n’arrivait pas que contre tous nos efforts, il fut chaviré ou jeté sur la côte. Sur les balsas, dans les mers les plus déferlantes, je n’éprouvais d’autres désagréments que celui d’être couvert par la rosée des vagues à travers lesquelles ils se dirigeaient. Le balsa est donc véritablement un bateau insubmersible ; sa légèreté, la facilité avec laquelle on le manœuvre, la charge considérable qu’il peut porter, rendraient, dans les naufrages, cette embarcation extrêmement utile sur toutes les côtes d’Europe ; ne sait-on pas que lorsqu’un navire se perd dans le voisinage de la terre, il arrive presque toujours, quand la mer est houleuse et déferlante, que l’équipage et les passagers périssent, parce que les canots