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Rome privée de la présence des empereurs.

Le terrain sur lequel Rome était bâtie avait été consacré par d’anciennes cérémonies et des miracles imaginaires. La présence de quelque dieu ou la mémoire de quelque héros semblait animer toutes les parties de la ville ; et le sceptre de l’univers avait été promis au Capitole[1]. L’habitant de Rome sentait et reconnaissait l’empire de cette agréable illusion, qui lui venait de ses ancêtres, et qui, fortifiée par l’éducation, était en quelque sorte soutenue par l’idée qu’on avait de son utilité politique. La forme du gouvernement et le siége de l’empire semblaient inséparables ; et l’on ne croyait pas pouvoir transporter l’un sans anéantir l’autre[2]. Mais la souveraineté de la capitale se perdit insensiblement dans l’étendue de la conquête. Les provinces s’élevèrent au même niveau ; et les nations vaincues acquirent le nom et les priviléges des Romains, sans adopter leurs préjugés. Cependant les restes de l’ancienne constitution et la force de l’habitude maintinrent pendant long-temps la dignité de Rome. Les em-

  1. On voit dans Tite-Live (V, 51-55) un discours de Camille, rempli d’éloquence et de sensibilité, que ce grand homme prononça pour s’opposer au projet de transporter à Veïes le siége du gouvernement.
  2. On reproche à Jules-César d’avoir voulu transférer l’empire dans la ville d’Ilium ou dans celle d’Alexandrie. Selon la conjecture ingénieuse de Le Fèvre et de Dacier, la troisième ode du troisième livre d’Horace a été composée pour détourner Auguste de l’exécution d’un semblable dessein.