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DÉDICACE


À Iwan Gilkin.


Voici bien trois ans et demi
Que j’ai rimé « Pierrot Lunaire ».
Je suis encore ton ami :
C’est vraiment extraordinaire.

C’est pourquoi, — puisque c’est mon sort,
Captif de la rime et du nombre,
D’avoir Pierrot Jusqu’à la mort
À côté de moi, comme une ombre, —

Ces vers frêles, tout blancs de lui,
Ces vers où j’ai baisé de givre,
Loin des bassesses d’aujourd’hui,
Tous les chers yeux qui me font vivre,

Ce poème triste et moqueur,
Qui sautille au rhythme fantasque,
Au rhythme fantasque d’un cœur
Qui serait un tambour de basque,

Ce doux lys d’hiver, pâle et pur,
Ô fleur de douleur et de joie !
Ce lys de silence et d’azur,
Ce lys de lune, je l’envoie

D’un seul geste fier et tremblant,
Malgré les ânes qui vont braire,
Vers un Pierrot vêtu de blanc
Qui me ressemble comme un frère !


A. G.