Page:Gistucci - Le Pessimisme de Maupassant, 1909.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’échappe. Il est, selon Schopenhauer, le piège tendu à l’homme par l’insidieuse Nature qui veut arriver à ses fins.

Ainsi le concevra Maupassant.

Dès sa jeunesse, avec quelle largeur il nous peint, dans ses vers, la nature inquiète et inquiétante,

Pour troubler tous les cœurs prenant toutes les voix !

C’est le rut qu’il célèbre, le « rut puissant », le « ferment » sacré qui tourmente l’homme et maîtrise la bête, et fait pulluler la vie par le vaste monde :

Une joie amoureuse, épandue et puissante
Semait par l’horizon sa fièvre grandissante…
............................................
Et sous l’abri de la ramure hospitalière
......................................
Des foules d’animaux de nos yeux inconnus,
Pour qui les fins bourgeons sont d’immenses royaumes,
Mêlaient au jour levant leurs tendresses d’atomes.[1]

Il y a, sans contredit, de la grandeur dans cette représentation du Désir et de l’éternel Renouveau. Par delà notre civilisation moderne, Maupassant remonte à la source antique, à Épicure, interprété par Lucrèce.

De même, il retrouve l’idéal païen dans la conception qu’il a de la Beauté.

Pour Maupassant, ce que nous nommons beauté « idéale » n’est qu’un résultat de combinaisons matérielles, c’est-à-dire une surprise des sens, une illusion. À quoi tient l’ « infini » du regard ? À une nuance de l’iris. Et le « charme » du sourire ? À un pli de la lèvre, dans un éclair d’émail. Donc, la beauté idéale n’existe pas. Elle est insaisissable. Il faut en

  1. Des Vers. Fin d’amour.