Page:Gistucci - Le Pessimisme de Maupassant, 1909.djvu/25

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Son érotisme est noble. Il ne tombe jamais dans la basse pornographie. Il blesse la pudeur, sans avilir l’Art.

L’art domine essentiellement ce côté de son œuvre. Maupassant ne fait, en somme, qu’approprier ses peintures aux formes diverses que prend l’instinct chez les civilisés, comme chez les sauvages. Il nous montre toutes les sortes d’amours : amour rustique et brutal chez les êtres frustes, proches de la nature ; naïf et romanesque chez les simples ; froid, calculateur et détaché chez les viveurs et les sceptiques ; frelaté et vicieux chez la petite baronne et la petite marquise… Et c’est toujours l’amour fatal, coup de soleil et coup de lune, amour-passion chez la femme mûre, chez l’homme vieillissant.

Et le romancier impitoyable nous peint l’être humain chaviré, perdu, roulé dans cette folie.

Maupassant semble ainsi s’être fait l’hiérophante de l’amour physique, autant par vocation déterminée que par tristesse ou par désespoir d’atteindre jamais l’Idéale Beauté.



Mais la passion charnelle, quand elle renie l’âme, porte en elle, son châtiment. La soif des matérielles jouissances s’achève fatalement en mélancolie.

À quoi bon aimer ? puisque tout passe, puisque tout meurt, puisque tout trompe.

La Nature d’abord, cette nature si belle, pourquoi l’adorer ? Elle est indifférente à notre amour, sourde à nos plaintes et poursuit sa calme évolution parmi nos douleurs et nos joies. Jeanne, dans Une Vie, veille seule, la nuit, sur le corps de sa mère morte. Elle a l’âme pleine de deuil et, au matin de cette veillée funèbre, l’aurore se lève dans un ciel rose, « d’un rose joyeux, amoureux, charmant… ». — La beauté