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Et les « mondains » titrés, les snobs des villes cosmopolites, où ils forment la cour des Altesses — une « basse-cour de rois ». — Et, à Paris même, la ville cosmopolite par excellence, ce n’est que vertus en façade, luxe extérieur, raffinement et corruption.

L’aventurier Georges Duroy, autrement dit Bel-Ami, voyant passer au Bois les hommes à cheval et les belles amazones, s’écrie avec conviction, car il les connaît, il est de leur bande : « Tas de crapules, tas d’escarpes ! »

Passions sourdes et sauvages sous le vernis civilisé, instincts de nature chez les rustres, vice et misère, partout éclate à l’œil de l’observateur clairvoyant et désabusé « l’éternelle et profonde infamie de l’homme ».

La conception pessimiste de Maupassant lui fait même rechercher les cas exceptionnels, les descriptions minutieuses et précises des folies criminelles, des folies sanguinaires, qui dévoilent tout ce qu’il y a de ruse, de bestialité et de cruauté dans l’inexplicable et mystérieuse bête humaine.

C’est donc le déterminisme absolu, universel, qui, allant plus loin que le fatalisme antique, aboutit au nihilisme moral.



Est-ce à dire pourtant que ce pessimisme féroce soit sans arrêt, sans adoucissement ? Cette tristesse du romancier nous laisse-t-elle, comme on l’a dit, « sans espoir et sans rêve » ?[1] Et ne faut-il voir en Maupassant qu’un misanthrope sensuel, positif, ne croyant à rien, n’aimant rien, ni personne ?

Non. Et mille traits d’abord démentent cette opinion que l’on pourrait se faire, à première vue, de son émotivité et de sa nature morale.

  1. R. Doumic. Écrivains d’aujourd’hui, Guy de Maupassant, 1894.