Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/420

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rabaisse l’excellent, n’est que trop enclin à relever le vulgaire, qui se trouve à sa portée, et à se ménager ainsi un agréable élément moyen, sur lequel il peut régner à son aise.

On trouve surtout de ces niveleurs dans les littératures qui sont en fermentation, et ils ont une grande influence chez un bon peuple qui recherche dans les arts et les sciences la convenance et la juste mesure plutôt que l’excellent.

En revanche, la spirituelle nation française eut bientôt éventé Fréron, et Voltaire n’y contribua pas peu en ne cessant de combattre son adversaire d’une manière juste et injuste, mais toujours spirituelle. Aucune bévue du journaliste ne passa inaperçue ; aucune forme du discours et de la poésie ne fut négligée, jusqu’à produire l’homme sur la scène, sous le nom de Frélon, dans l’Écossaise.

Voltaire qui, dans ses innombrables écrits, surpassait l’attente du monde, amusa aussi dans cette affaire le public par des facéties toujours nouvelles et surprenantes ; il s’en prit au journaliste et à tous ses favoris, dont il rejeta les ridicules sur leur protecteur.

On vit alors clairement les vaines prétentions de l’homme. Fréron perdit son crédit, même celui qu’il méritait, parce que, au bout du compte, le public, comme les dieux, aime à se ranger du côté des vainqueurs.

La personne de Fréron en a été tellement défigurée et obscurcie, que la postérité a de la peine à se faire une juste idée des mérites de cet homme et de ce qui lui manquait.




DU GOUT.


« Le goût, dit-il, le goût est une chose… En vérité, je ne sais quelle chose il dit que c’était. Il ne le savait pas lui-même. »

Dans ce passage, Diderot veut se moquer de ses compatriotes, qui, avec ou sans idée, ont sans cesse le mot de goût à la bouche, et qui rabaissent souvent des productions remarquables, en leur reprochant le défaut de goût.