Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/503

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POUR LES JEUNES POËTES.

1831.


De jeunes hommes m’envoient fort souvent des poésies allemandes, en me priant de les juger et même de dire ma pensée sur la vocation poétique de l’auteur. Mais, malgré mon désir de reconnaître cette confiance, il m’est impossible de faire par écrit, dans le cas particulier, une réponse convenable, qu’il serait assez difficile d’exprimer de vive voix. Cependant ces envois s’accordent, en général jusqu’à un certain point, et je puis me résoudre à présenter ici quelques réflexions pour l’avenir. La langue allemande est arrivée à un si haut degré de perfection, qu’il est donné à chacun, selon son talent, de s’exprimer heureusement, en prose et en vers rhythmiques ou rimés, d’une manière convenable à l’objet comme au sentiment. Il s’ensuit que toute personne qui s’est un peu formée en écoutant et en lisant, dès qu’elle s’entend un peu elle-même, se sent pressée de communiquer, avec une certaine facilité, ses pensées et ses jugements, ce qu’elle a reconnu et senti.

Mais il est difficile, je crois même impossible, au jeune homme de reconnaître que, dans un sens élevé, c’est encore avoir fait peu de chose. Si l’on considère attentivement ces productions, on trouve tout ce qui se passe dans l’intérieur, tout ce qui se rapporte à la personne même, plus ou moins réussi, et quelquefois si bien, que l’expression parait avoir autant de clarté que de profondeur, autant de fermeté que de grâce. Tout ce qui est général, l’Être suprême, comme la patrie, l’immense nature, avec ses merveilleux phénomènes, nous surprennent dans les poésies de jeunes hommes ; nous ne pouvons en méconnaître la valeur morale, et nous devons en trouver l’exécution digne d’éloges.

Mais voici justement la difficulté. Plusieurs jeunes gens, qui entrent dans la même voie, se grouperont ensemble, et entreprendront ensemble un joyeux pèlerinage, sans s’éprouver