Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/290

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les augmente. Elle jetterait le jour le plus défavorable sur la réputation, sur l’honneur de deux hommes qui, jusque là, se sont montrés à l’abri de tout reproche.

— Mais c’est précisément parce que nous sommes à l’abri du reproche, que nous pouvons le braver sans crainte, s’écria Édouard. Celui qui n’a jamais fait douter de soi ennoblit une action qu’on blâmerait, si elle était commise par un homme qui se serait déjà rendu coupable de plus d’une faute. Quant à moi, je me suis soumis à tant d’épreuves cruelles, j’ai tant fait pour les autres que je me sens enfin le droit de faire quelque chose pour moi. Charlotte et toi, vous pourrez à votre aise prendre conseil du temps et des circonstances, mais rien ne pourra modifier ma résolution en ce qui me concerne. Si l’on veut m’aider, je saurai me montrer reconnaissant ; si l’on m’oppose des obstacles, je saurai les faire disparaître par les moyens les plus extrêmes ; il n’en est point qui pourraient me faire reculer.

Persuadé qu’il était de son devoir de combattre aussi longtemps que possible les projets d’Édouard, le Major dirigea l’entretien sur les formalités judiciaires qu’exigeraient le divorce et un nouveau mariage ; et il fit ressortir vivement tout ce que ces démarches indispensables avaient de pénible, de fatigant, d’inconvenant même.

— Je le crois, dit Édouard avec humeur, et je vois avec chagrin que ce n’est pas seulement à ses ennemis, mais encore à ses amis qu’il faut enlever d’assaut les avantages que le préjugé nous refuse. Eh bien ! puisqu’il le faut, je vous arracherai malgré vous l’objet de mes désirs sur lequel mes yeux restent fixés. Je