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120 LE REVIZOR

Le directeur des postes. — J'ignore moi-même... une force surnaturelle m'a poussé... J'allais déjà donner l'ordre de l'envoyer par courrier spécial... mais une curiosité comme je n'en ai encore jamais éprouvé m'a dominé... Impossible, je le sens, impos- sible de résister. Une voix me dit : « N'ouvre pas, tu vas à ta ruine. » Mais une autre me crie : « Ouvre, ouvre, ouvre !... » J'ai brisé le cachet... la main me brûlait... quand j'ouvris... je sentis mon sang se glacer... mes mains tremblaient, j'avais le vertige...

Le préfet. — Comment avez-vous osé décacheter la lettre d'un si haut personnage?

Le directeur des postes. — C'est que précisé- ment il n'est ni haut, ni personnage !

Le préfet. — Qui est-il d'après vous?

Le directeur des postes. — Ni ci, ni ça ; le diable sait qui il est !...

Le préfet (furieux). — Comment ni ci, ni ça! domment osez-vous l'appeler « ni ci, ni ça et le diable sait qui il est » par-dessus le marché? Je vous arrête !

Le directeur des postes. — Qui?... Vous?...

Le préfet. — Parfaitement, moi...

Le directeur des postes. — Pas assez puissant, mon petit...

Le préfet. — Sachez qu'il épouse ma fille... que je vais grandir en puissance... que je vais vous envoyer en Sibérie !...

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