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56 LE RÉVIZOR

Un autre préfet ne penserait qu'à ses petits bénéfices, mais croyez-moi... même lorsque je me couche, je me dis : Seigneur, que puis- je donc faire pour que les autorités remarquent mon zèle et soient contentes? Qu'elles me récompensent ou non, cela dépend de leur volonté, évidemment... mais au moins ai-je ma conscience tranquille !... Quand l'ordre règne dans la ville, que les rues sont balayées, que les prisonniers sont bien nourris et qu'il y a moins d'ivrognes... je suis heureux. Eh ! eh ! Je ne brigue pas les honneurs... certes, ils sont séduisants... mais ils ne paraissent que fantômes devant la charité...

Artemi Philippovitch (à part) . — Hein ! a-t-il la langue bien pendue, le désœuvré!... Enfin, cela vient de Dieu !...

Khlestakof. — C'est vrai... Moi aussi, j'aime par- fois m'élever... J'écris de la prose... parfois même je m'amuse à faire des vers.

Bobtchineski (à Dobtchïneski). — Juste, tout à fait juste, Piotr Ivanovitch !... Il a de ces observa- tions... on voit qu'il s'est occupé de sciences.

Khlestakof. — Dites-moi... n'avez-vous aucun cercle de jeux, aucune société... où on pourrait jouer aux cartes?

Le préfet (à part). — Ohé, le malin ! il croit que je ne sens pas qu'il jette des pierres dans mon jardin. (A haute voix.) Dieu nous en préserve ! On n'a jamais entendu parler ici de pareilles sociétés... Jamais je n'ai tenu de cartes, je ne sais même pas comment on y joue... Je n'ai jamais pu les voir sans dégoût et s'il m'est arrivé de toucher à un roi de carreau ou à telle

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