Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doivent arriver à se dire, à l’heure de la mort : « Avons-nous vécu ? »

5 novembre. — Philoxène Boyer est mort de la maladie de Fontenelle, de l’impossibilité de vivre. Il n’y a que ce temps-ci pour faire mourir les gens de vieillesse à 38 ans.

14 novembre. — Ce soir, Sainte-Beuve donne à dîner à la princesse. La petite cuisinière Marie nous fait entrer dans la salle à manger, où se dresse comme le dîner monté d’un curé, recevant son évêque, et de là dans un salon du rez-de-chaussée tout blanc, tout doré, avec son meuble jonquille battant neuf, qui semble le meuble fourni à une cocotte par un tapissier.

Les invités arrivent : la princesse, Mme de Lespinasse, le vieux Giraud de l’Institut, le docteur Phillips, Nieuwerkerke. La princesse a la mine toute gaie ; elle s’amuse d’avance, comme d’une partie de garçon. À dîner, elle veut tout servir, tout découper. Son père découpait toujours. Il avait de très jolies mains. Il mangeait même la salade avec les doigts, et quand on lui disait que ce n’était pas propre, il répondait : « De mon temps, si nous ne l’avions pas fait, nous aurions été grondés, on nous aurait dit que nous avions les mains sales ! »

Au bout de la table, Sainte-Beuve a l’air d’un