Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/108

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Oui, c’est très curieux… Tenez, hier au soir, dans la voiture qui les ramenait du théâtre, Mme C*** a fait une scène à son mari, de son larmoiement, au récit de la mort de la petite Doré par Déchelette, lui disant : “Je ne comprends pas votre attendrissement pour cette traînée !” »

Et dans le bruit de la causerie de tous, Daudet se tait un moment, au bout duquel on l’entend murmurer plutôt que dire : « Ce matin, ce matin à l’hôpital de… X. en faisant ses bandes, — X. une victime d’un antique collage, — répétait : “M’amie, un baiser, le dernier dans le cou.” Et il interrompait son refrain et ses bandes, pour jeter à ses internes : “À ce qu’il paraît, cette Mannigue a un grand talent,” — et comme les internes riaient de l’estropiement du nom de l’actrice : “Pardon, Messieurs, faisait-il, moi, vous savez, moi je ne vais pas au théâtre !” »

Mercredi 23 décembre. — Le malheur de n’avoir pas les nerfs assez bien portants, pour traiter la vie avec le mépris qu’on a pour une charge, pour une blague, pour une mauvaise plaisanterie, et de considérer les embêtements qui ne sont pas des pertes de gens aimés, ou même des révolutions absolues de votre position sociale, — de les considérer comme de bénins coups de pied au cul, qu’on recevrait dans une pantomime sur un théâtre des Funambules de société.