Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/41

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mencement, comme dans une hallucination blagueuse. C’est l’Empereur en contact avec une famille de gens gras à lard, d’une famille Durham, et qui n’a jamais entendu parler de lui, et ne s’intéresse qu’au héros et à l’héroïne d’un roman de Mme Cottin, arrivé par hasard dans cette île perdue, et à propos duquel, jeunes et vieux assassinent de questions l’Empereur, qui exaspéré, à une question du gros oncle demandant ce qu’est devenue l’héroïne, lui jette durement : « Elle est morte ! » et alors voit couler, à cette nouvelle, sur le facies de cet Anglais, ressemblant à un derrière, voit couler de grosses larmes.

Cela est conté avec les suspensions d’une respiration difficile, des yeux par moment un peu fixes, au milieu du grossissement d’une ironie gasconne.

Une surprise, ce soir, à la répétition générale. La pièce marche. Antoine est très bien dans Boussanel, et tout à fait supérieur dans l’acte de Fontaine près Lyon. Ah ! certes, ce n’est pas la composition de la Comédie-Française, et ce n’est pas, comme nous l’avions espéré dans le temps jadis, Bressant jouant le comte de Valjuzon, Delaunay jouant Perrin… mais telle que la pièce est jouée, elle a l’air de mordre les nerfs du public.

Mardi 19 mars. — La toile se lève. Je suis dans une logette sur le théâtre, où une chaise a peine à tenir entre les murs de planches blanchies par une