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Marie-Antoinette. Dans cet escalier de marbre, je vois tirés par les pieds, les deux gardes du corps, décapités en bas, et dont les têtes furent frisées au bout des piques, qui les portaient. En poussant cette porte-fenêtre, je suis sur le balcon, où Marie-Antoinette s’est montrée aux cannibales, qui demandaient les boyaux de la Reine, — et de la vie tragique ressuscite dans ce bâtiment mort, dans cette nécropole de la monarchie.

Maintenant l’impression là dedans, c’est un sentiment d’abomination pour ce bourgeois de Louis-Philippe, qui, avec son Musée, ses peintures au rabais, a tué la belle antiquaillerie de cette demeure de la monarchie française, aux XVIIe et XVIIIe siècles, et n’a pas craint de faire la nuit avec un grand vilain tableau moderne, fermant la fenêtre de la salle de bain de Mme Adélaïde, qui est peut-être le plus riche spécimen de la décoration intérieure, au XVIIIe siècle.

Lundi 25 avril. — Oui, je le répète, à l’heure présente, la lecture d’un roman et d’un très bon roman, n’est plus pour moi, une lecture captivante, et il me faut un effort pour l’achever. Oui, maintenant j’ai une espèce d’horreur de l’œuvre imaginée, je n’aime plus que la lecture de l’histoire, des mémoires, et je trouve même que dans le roman, bâti avec du vrai, la vérité est déformée par la composition.