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un être, j’ai la pensée tout le temps, que j’ai à rendre des formes habitées. »

Jeudi 9 juin. — Déjeuner chez Jean Lorrain, avec Mlle Read, Ringel le sculpteur, de Régnier, le poète.

Mlle Read, la sœur de miséricorde de Barbey d’Aurevilly. Une douceur des yeux, une blondeur des cheveux, une bonté de la figure, une bonté intelligente, spirituelle, qui met parfois sur son visage d’ange, de la jolie gaminerie d’enfant.

Lorrain racontait spirituellement, drolatiquement, que son père, étant armateur, avait voulu un moment tenter l’élevage des bestiaux. Or, pour lui apprendre à cumuler, une nuit, on lui avait coupé la queue de vingt-cinq vaches. Cela ne l’avait pas découragé, il avait continué à acheter des vaches, mais n’y connaissant rien, il achetait des vaches appelées robinières, des vaches ayant de vilaines mœurs, et ne donnant pas de lait. Et à ses vingt ans, c’était lui qui était chargé de vendre les vaches. Et pour cette opération, ayant obtenu un beau complet gris perle, et suivi d’un vacher, il courait les foires, mais aussitôt qu’on l’apercevait, on s’écriait : « C’est le gas aux vaches robinières ! » et il n’avait jamais pu en vendre une.

Samedi 11 juin. — Carrière fait d’après moi, une deuxième étude peinte.