Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la carie de la dent s’est communiquée à l’os de la mâchoire… peut-être est-il encore temps pour l’ablation. » Et devant le rire féroce de ma tête de plâtre, j’avais l’effroi de l’attente de cette opération, qui a coûté la vie au frère de Rattier.

Mardi 30 août. — Ces jours-ci, en corrigeant les épreuves d’une réédition du roman de Madame Gervaisais, il m’est venu le désir de portraire la vraie Mme Gervaisais, qui fut une tante à moi, et de dire l’influence, que Mme Nepthalie de Courmont, cette femme d’élite, eut sur les goûts et les aptitudes de ma vie.

La rue de la Paix, quand j’y passe maintenant, il m’arrive parfois de ne pas la voir, telle qu’elle est, de n’y pas lire les noms de Reboux, de Doucet, de Vever, de Worth, mais d’y chercher, sous des noms effacés dans ma mémoire, des boutiques et des commerces, qui ne sont plus ceux d’aujourd’hui, mais qui étaient ceux, d’il y a cinquante, soixante ans. Et je m’étonne de ne plus trouver à la place de la boutique du bijoutier Ravaut ou du parfumeur Guerlain, la pharmacie anglaise qui était à la droite ou à la gauche de la grande porte cochère, qui porte le no 15.

Au-dessus, au premier, existait et existe encore un grand appartement, qu’habitait ma tante, sous de hauts plafonds, pénétrant mon enfance de respect.