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LA FEMME

mandent l’idolâtrie ou l’injustice. Car cette puissance des bureaux d’esprit est trop grande, trop enivrante pour que la femme n’en fasse pas abus, et ne la compromette pas par la partialité, l’appréciation passionnée, le zèle, le défaut de mesure, l’esprit d’exclusion, 11 arrive que chaque bureau d’esprit borne le cercle du génie, de l’imagination, du talent, à la table de ses soupers. Beaucoup commencent par être un parti, et finissent par être une coterie, une petite famille de petites vanités qui arrêtent le monde à leur ombre, le bruit à leurs noms, la littérature à la porte du salon qui les caresse. C’est alors qu’on voit naître et grandir, avec la coquetterie d’esprit, la fureur des réputations, l’usurpation de la popularité, l’intrigue et les ménagements, l’art de louer pour se faire louer, l’art d’intéresser la renommée, un peu par soi-même, beaucoup par les autres (1) ; défauts et ridicules ordinaires de sociétés pareilles, pour lesquels la postérité aura sans doute plus d’indulgence que la comédie du temps.

Dorât lance contre les bureaux d’esprit sa comédie des Prôneu7’Sy pleine de vers heureux, frappés à la Gresset, et qui font portrait. Le public reconnaît une des grandes maîtresses de la littérature et de la philosophie, Mlle  de Lespinasse, tantôt sous le masque d’Églé dont le poëte dit :

Elle parle, elle pense, elle hait comme un homme ;

(1) Essai sur le caractère, les mœurs et resprit des femmes, par Thomas. Paris ^ an XI l.