Page:Gouges - Testament (1793).djvu/10

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mon républicanisme, me dire qu’il étoit impossible qu’il se soutient en France, qu’un roi, un protecteur, un maître, en un mot, étoit indispensable à la turbulence française ; et je vois ces mêmes hommes acharnés à traiter de factieux les sages de la république !

Comment est-il possible de prêcher avec véhémence ce qu’on ne pense pas ? Comment peut-on avec autant d’audace tromper le peuple et mettre sur le compte d’autrui les résultats de ses propres crimes ? Si ces hommes dominent, c’en est fait de la liberté et de l’égalité. La tyranie s’avance à pas de géant par nos dissensions. Citoyens ! vous pouvez me donner la mort ; mais vous vous rappelerez malgré vous mes prédictions et mes vertus civiques. Il est temps de faire l’énumération de mes legs, qui ne seront peut-être pas indifférens à la société, et dans lesquels je me permettrai un peu de cette gaité que j’ai toujours mise dans tout ce qui me concerne.

Je légue mon cœur à la patrie, ma probité aux hommes (ils en ont besoin). Mon âme aux femmes, je ne leur fais pas un don indifférent ; mon génie créateur aux auteurs dramatiques, il ne leur sera pas inutile, surtout ma logique théâtrale au fameux Chesnier ; mon désinteressement aux ambitieux, ma philosophie aux persécutés, mon