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M. Camille SAINT-SAËNS


(L’OPÉRA HENRI VIII)




Lorsque, après des années de persévérance et de lutte, un artiste de haute valeur est parvenu à conquérir, dans l’opinion publique, la grande situation à laquelle il a droit, chacun s’écrie, — même ceux qui lui ont fait l’opposition la plus rétive : « Que vous avais-je toujours dit ? qu’on finirait par se rendre. » Voilà vingt-cinq ans et plus (car c’était un prodigieux enfant), que M. Saint-Saëns a fait son apparition dans le monde musical. Combien de fois, depuis lors, ne m’a-t-on pas dit : Saint-Saëns ? Ah ! bah ? Vraiment ? Vous croyez ?… Comme pianiste, comme organiste, oh ! certainement ; je ne dis pas ; mais comme compositeur ? Est-ce que… réellement… vous trouvez ?… » Et tous les vieux clichés de ce genre. Hé bien, oui ; je trouvais, et je n’étais pas le seul ; et aujourd’hui, c’est tout le monde qui trouve. Les défiances sont tombées ; les préjugés sont vaincus ; M. Saint-Saëns est dans la place ; il n’a plus qu’à dire : « J’y suis, j’y reste. » Il demeurera une des illustrations de son art et de son temps ; et attendez-vous à ceci : il est fort possible qu’après M. Ambroise Thomas, l’illustre directeur actuel du Conservatoire de musique, on confie à M. Saint-Saëns ces hautes et importantes fonctions, s’il lui plaît de les accepter.

D’après une opinion admise, parait-il, chez certains artistes, il serait convenu que, si l’on dit du bien de l’œuvre d’un confrère, cela signifie naturellement qu’on en pense du mal, — et réciproquement. Eh ! pourquoi donc cela ? Pour avoir du talent ou du génie, est-il nécessaire de le refuser à d’autres ? Est-ce que Beethoven a tué Mozart ? Est-ce que Rossini empêchera Mendelssohn de vivre ? Croyez-vous, comme le dit Célimène :


Que c’est être savant que trouver à redire ?


Craignez-vous qu’il n’y ait plus de place pour vous ? Oh ! quant à cela, rassurez-vous ; dans le temple de la Gloire, il restera toujours