Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/186

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conscience nerveuse, des images qu’on dirait nées, çà et là, le long d’un corps pensant, dans les plexus :


… À quoi
Quand mon corps comme un mont hérisserait
Un taillis de membres, emploierais-je ma foule ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Nous avions réuni nos bouches comme un seul fruit
Avec notre âme pour noyau.


Les accidents les plus vulgaires de la vie animale se haussent à des significations nobles ; l’on voit les mourants d’un champ de bataille « bourbiller comme des crevettes ».

Pleine d’images, cette tragédie est pleine d’idées ; le solitaire « a un compagnon partout : sa propre parole » ; « le sang, l’homme doit le répandre comme la femme, son lait » ; et toutes, images et idées, créatures d’une magnifique richesse de sang, de cheveux, de peau, vivantes et belles, se meuvent et fleurissent dans la forêt somptueuse d’une tragédie surhumaine.

Il ne s’agit que de Tête d’or et déjà mes paroles débordent, sans atteindre peut-être à la hauteur grave dont il faudrait donner l’impression. On est entré dans un génie vaste où les pas résonnent sur