Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/40

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rare dans les Ballades. Le poète a pour l’humour un penchant qu’il veut satisfaire même hors de propos et voici, après un livre sentimental (vieilles estampes en demi-teinte), toute une bizarre mythologie, Orphée, Silène, Hercule, restaurée avec quelque hardiesse, puis l’extraordinaire Louis XI, curieux homme, et Coxcomb, plus étrange encore, puis des ballades étranges encore et encore, — et pas une où il n’y ait quelque trait d’originalité, de poésie ou d’esprit. Nous avons donc le livre le plus varié et les gestes les plus dispersifs. On a peine, si tôt, à y bien retrouver son chemin, tant les pistes s’enroulent et s’enlacent sous les branches, disparaissent dans les buissons, dans les ruisseaux, dans les mousses élastiques, tant l’animal entrevu est singulier, rapide et mouvant. On a défini M. Paul Fort, dans une intention sans doute amicale : le génie pur et simple. Ironique, cela ne serait pas encore très cruel ; sérieux, cela dit une partie de la vérité. Ce poète en effet est une perpétuelle vibration, une machine nerveuse sensible au moindre choc, un cerveau si prompt que l’émotion souvent s’est formulée avant la conscience de l’émotion. Le talent de Paul Fort est une manière de sentir autant qu’une manière de dire.