Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/73

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on peut toujours lire la prose, même trop rapide, avec la certitude d’y trouver du nouveau. Il aime le nouveau, en art, comme dans la vie, et jamais il ne recula devant l’aveu de ses goûts littéraires, les plus hardis, les plus scandaleux pour l’ignorance ou pour la jalousie.

À tous ces mérites qui font de M. Lorrain un des écrivains les plus particuliers d’aujourd’hui, il faut joindre celui de poète. En vers, il excelle encore à évoquer des paysages, des figures, — ou des figurines ; voici, par exemple, une image inoubliable du danseur Bathyle :


Bathyle alors s’arrête et, d’un œil inhumain
Fixant les matelots rouges de convoitise,
Il partage à chacun son bouquet de cytise
Et tend à leurs baisers la paume de sa main.


C’est avec une sensualité discrète et rêveuse qu’il peint les Héroïnes ; chacune est symbolisée par une fleur qui se dresse d’entre ses pieds ; cela est fort joli.


Enilde, à ses pieds,


Blanche étoile au cœur d’or s’ouvre une marguerite.


Elaine,


Pâle et froide à ses pieds fleurit une anémone.