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MUSES D’AUJOURD’HUI

veut, on veut quelque chose, on ne sait pas ce qu’on veut. »

La campagne, qu’elle sait décrire d’une façon spontanée et personnelle, lui fait songer aux Charmettes et à Mme de Warens ; les meubles de sa chambre sont « lourds et ornés comme on en voit sur la scène dans les comédies de Molière ». Les porcelaines villageoises de « son déjeuner » du matin évoquent à son âme érudite les repas que le pauvre Rousseau pouvait faire avec Thérèse. C’est l’abnégation de sa personnalité : des réalités qu’elle cueille, elle orne les autels de ses héros de roman, ou, plutôt, leur restitue ce qu’elle leur doit, car, sans Rousseau, sans Goethe, sans Musset, se douterait-elle que l’air est parfumé de tristesse, qu’il y a de l’amour tragique dans les êtres et dans les choses ? De cet idéalisme impersonnel, butiné au cours de sa vie, elle a composé une vivante cire, et