Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/229

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un mélange singulier de mysticisme et de sensualité, de douceur et de fougue, de révolte et de soumission. Mais on dirait cela très bien de la population parisienne du moyen âge. Précisément, les Flandres sont demeurées en partie soumises à l’esprit du moyen âge. Elles veulent à la fois la liberté sociale et la soumission religieuse. Elles font alterner les fêtes catholiques et les fêtes populaires. C’est un pays où l’on est dévot et gourmand, rêveur et sensuel, avare et dépensier, violent et doux.

M. Verhaeren a l’air de l’homme le plus doux, le plus timide. Et il est cela, vraiment, au fond comme au dehors de lui-même. Mais, dès qu’il écrit, sa douceur éclate et fulmine. On dirait un de ces enfants peureux qui font un grand bruit, dans leur chambre solitaire, pour ne pas entendre les terribles murmures du silence. On dirait aussi, et la comparaison sera plus juste, un de ces moines paisibles et muets, obéissants et purs, qui, dès qu’ils pensaient au monde, à ses vices, à ses offenses envers Dieu, se répandaient en imprécations. M. Verhaeren, comme un mystique du XIVe siècle, entre volontiers dans de « saintes colères ». La crise passée, il redevient le sage rêveur ou le doux contemplateur.