Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/20

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frémi devant des scènes sacrilèges purement imaginaires. Je voyais Huysmans tous les jours, pendant qu’il écrivait Là-bas et il m’en a lu ou récité bien des pages, bien des épisodes. Quand ce livre parut, sa conversion était déjà en train, mais s’il la désirait, il l’espérait à peine, et peut-être la redoutait.

Le pot-au-feu merveilleux auquel participe Durtal dans le logis d’un sacristain, niché en une des tours de Saint-Sulpice, fut servi à Huysmans chez Mme  de C… C’est un mince détail, mais la cérémonie du potage ne fit que précéder une cérémonie autrement importante, puisqu’elle influa fortement sur les idées de Huysmans. Après le dîner auquel j’assistais, Édouard Dubus arriva, comme il était convenu, et on s’occupa de faire tourner un guéridon, qui s’y prêta fort bien. Dubus, poète agréable, esprit distingué, était un occultiste à demi ironique. Je n’ai jamais su s’il croyait ou non à ses pratiques. En tout cas, il s’en acquittait fort bien. Interrogée, la table répondit des choses presque sensées. À un moment, comme on lui demandait : « Qui êtes-vous ? » elle répondit : « Je suis Camille de Sainte-Croix. » Ce n’était plus l’évocation des morts, car Sainte-Croix, qui écrivait alors de piquantes critiques et de curieux romans, est toujours bien vivant. Il se prêta aux questions les plus variées et comme on le pressait sur ses goûts littéraires, il avoua que Huysmans