Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/139

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langue vieille et raffinée une œuvre appartenant à la jeunesse d’une langue consanguine.

Ces notations techniques, la lecture de quelques vers, quelques allées et venues de sa table à sa bibliothèque l’avaient un peu réveillé. Bien qu’il sentît que la dépression devait durer tout le jour et sans doute encore des lendemains, il reprit courage, se crut apte à quelque menue ferronnerie. Pas plus que tant d’autres qui simulaient le don poétique, Hubert n’était poète. Ses impressions se traduisaient en notules de prose analytique, non pas en de fixes et précis rythmes ; mais il avait appris le métier, connaissait de la métrique les plus modernes secrets, et en des heures heureuses pouvait, sans illusion, forger une pièce intéressante et dans les règles.

Ce matin, il réussit à donner les définitifs détails d’un dyptique dont l’apparence ne l’avait encore jamais satisfait. C’était heurté, c’était pesant, c’était travaillé au marteau d’une main plus forte qu’adroite, mais il lui sembla que le métal était bon et sans fêlures.

MORITURA

Dans la serre torride, une plante exotique
Penchante, résignée : éclos hors de saison
Deux boutons fléchissaient, l’air grave et mystique ;
La sève n’était plus pour elle qu’un poison.

Et je sentais pourtant de la fleur accablée
S’évaporer l’effluve âcre d’un parfum lourd,
Mes artères battaient, ma poitrine troublée
Haletait, mon regard se voilait, j’étais sourd.