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XXXIV.— LYRISME


« Quand le monde fait peur, quand la foule fatigue.

Quand le cœur n’a qu’un cri : — Te voir, te voir, te voir !

Mme DESSORDES-VALMORE


Levé tard, goûtant par la fenêtre aux rideaux soulevés le charme hivernal d’un pâle soleil de midi, Hubert se complaisait dans la demi-inconscience qui suit, après une nuit désheurée, une extrême fatigue physique. Son anémie de végétal transplanté, combattue et presque vaincue pur un régime tout provincial, se réveillait en de tels matins ; il se sentait des langueurs de poitrinaire et des mélancolies d’adolescent.

Le sommaire et substantiel déjeuner organisé par sa bonne fut moins pour ses organes fatigués un réconfort qu’une griserie. La fumée d’une seule cigarette lui tourna la tête : il acquérait, sans l’avoir cherchée, une béatitude exquise. C’était comme un état nouveau de la matière animée : l’état fondant, — jouissance spéciale réservée aux dormeurs paresseux et aux tardifs déjeuneurs. Brève, ainsi que tous les délices, elle ne tarda pas à décroître, mais lentement, transformée à mesure en une agréable sensation de paix.

Alors, allongeant le bras vers sa Bible gothique, il