Page:Grammont - Le Vers français, 1913.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quoiqu’on y trouve à l’occasion des préceptes ou, comme on dit couramment, des règles de facture. Ce n’est pas non plus une histoire du vers français et de son développement, bien qu’à différents endroits certaines phases de son évolution y soient exposées ou au moins indiquées. Il est bien évident que nous ne pouvons pas pénétrer dans les détails les plus délicats, dans les secrets les plus intimes de la versification sans toucher à toutes les questions qu’exposent généralement les manuels et les traités. Mais nous supposons connus du lecteur celui de Quicherat et toutes les études qui ont paru depuis cet ouvrage sur le vers français. Aussi ne faisons-nous allusion aux points déjà étudiés, aux théories déjà développées que lorsque c’est utile pour la clarté de notre exposition ou que nous avons à rectifier les idées émises.

Un mot, en terminant, sur la méthode employée. Dans l’étude des moyens d’expression nous n’avons jamais pris des vers pour point de départ de nos recherches parce que nous n’aurions pu éviter de tourner dans un cercle ni d’être accusé ou coupable d’auto-suggestion, comme on dit aujourd’hui. Nous parlions un jour des mots expressifs de la langue française devant une personne qui paraissait enthousiasmée des exemples que nous lui signalions et du commentaire qui les accompagnait ; tout à coup elle nous dit : « Et le mot table ? voyez comme il donne bien l’impression d’une surface plane reposant sur quatre pieds ». Ces paroles prouvaient si bien qu’elle n’avait rien compris et même qu’elle n’était pas apte à comprendre, que nous nous gardâmes de la détromper ; à quoi bon lui ôter brutalement des illusions qui la rendaient heureuse ? « Sans doute, lui avons-nous répondu ; c’est de toute évidence ; et voyez comme c’est curieux, vous avez le mot câble qui ne diffère guère de table que par la substitution d’un c à un t et qui donne tout au contraire l’impression d’un corps cylindrique, long, souple et torse ». Notre interlocu-