Page:Grenier - Souvenirs littéraires, 1894.djvu/28

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en dominant par l’ascendant de son génie cette assemblée qu’on allait élire. S’il en est ainsi, il se trompait. Dans la vie, et surtout en révolution, la même vague ne vous reprend jamais.

Avant de partir pour Constantinople, où il m’avait nommé secrétaire d’ambassade, j’allai le remercier chez lui ; il demeurait alors rue de l’Université. Il me présenta à Mme de Lamartine. Une jeune femme était là, dans l’ombre, timide et simplement vêtue. J’ai oublié son nom. On m’a dit depuis que c’était l’original de Geneviève, l’un des récits du poète. C’est le seul souvenir que j’aie gardé de cette première visite.

Les années passèrent. La République tomba, l’Empire s’éleva. Je ne voulus pas le servir. J’allai en Orient, et je n’entrai réellement dans un commerce suivi avec ce grand homme qu’en 1857, à mon retour de Moldavie, et au moment où j’allais publier mon premier poème. Que de changements depuis ma dernière entrevue ! La République était morte, la liberté aussi, l’Empire régnait et semblait établi pour de longs jours. Lamartine avait connu toutes les amertumes : l’ingratitude, l’abandon, la ruine, – une double ruine, – celle de sa fortune et celle de ses idées. La vieillesse aussi était venue. Mais il ne pliait pas. Je le trouvai debout, faisant face à tous les coups du sort, et aussi calme dans l’adversité que je l’avais vu au temps de ses triomphes. Pour racheter