Page:Guiard - Virgile et Victor Hugo, 1910.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

poète ajoute en manière de conclusion cette remarque sur les retours des choses d’ici-bas :

Ainsi, de tant d’écueils dont elle était la proie Un compagnon d’Ulysse, un grec, a sauvé Troie !

Au point de vue psychologique, la prière d’Achéménide ajoute quelques nuances qui ne sont pas sans valeur. Il s’avoue Grec :

Sur les vaisseaux des Grecs f apportai les batailles,

expression qu’aurait pu trouver le compatriote de Fabius. Il continue :

Eh bien ! fils de Laomédon, Si mon crime ne peut espérer de pardon. Frappez.

Il y a de l’habileté chez cet Ithacien à évoquer dans l’esprit des Troyens la véritable cause de leur* ruine, le parjure de Laomédon, à leur offrir ainsi l’occasion d’être moins impitoyables pour lui que les dieux ne le furent pour eux. Sans passer pour un béotien, ne pourrait-on soutenir contre Virgile que malgré sa terreur de Polyphème, Achéménide ne peut se réjouir d’être mis à mort par les Troyens. « Si pereo, hominum manibus periise juvahit ». L’adoucissement de Hugo prouve en tous cas qu’il n’avait pas l’âme aussi sauvage qu’on a bien voulu le dire. Il traduit :

Si je meurs, je mourrai du moins des mains des hommes.

Dans la description du repas de Polyphème et de l’attaque d’Ulysse, il sent que Virgile n’arrive pas à l’ampleur homérique et il s’efforce d’accentuer le caractère de barbarie du récit par plus de précision dans les détails. Virgile dit du Cyclope en un vers admiré par le bon Rollin : « il se nourrit des entrailles des misérables et de leur sang noir » :

« Visceribus miserorum et sanguine vescitur atro. »

Hugo atteint à l’âpreté de cette touche sinon à l’harmonie