Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/253

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pour lui elle laissait son mari et le donnait à l’ironie, pour lui elle abandonnait ses enfants ; elle crachait sur tout cela à plaisir ; religion, vertu, elle foulait tout cela aux pieds, elle vendait sa réputation pour ses caresses, et c’était avec bonheur et délices qu’elle immolait tout cela pour lui plaire, qu’elle détruisait toutes ses croyances, toutes ses illusions, toute sa vertu, tout ce qu’elle aimait enfin, pour obtenir de lui un regard ou un baiser. Et il lui semblait qu’elle serait plus belle en sortant de ses bras, après avoir reposé sur ses lèvres, comme les violettes fanées qui répandent un parfum plus doux.

Oh ! qui pourrait savoir combien il y a parfois de délices et de frénésie sous les deux seins palpitants d’une femme !

Ernest, cependant, commençait à l’aimer un peu plus qu’une grisette ou une figurante, il alla même jusqu’à faire des vers pour elle, qu’il lui donna ; en outre, un jour, je le vis avec les yeux rouges, d’où l’on pouvait conclure qu’il avait pleuré… ou mal dormi.

III

Un matin, en réfléchissant sur Mazza, assis dans un grand fauteuil élastique, ses pieds sur ses deux chenets, le nez enfoncé sous sa robe de chambre, tout en regardant la flamme de son feu qui pétillait et montait sur la plaque en langues de feu, il lui vint une idée qui le surprit d’une manière étrange ; il eut peur.

En se rappelant qu’il était aimé par une femme comme Mazza, qui lui sacrifiait, avec tant de prodigalité et d’effusion, sa beauté, son amour, il eut peur et trembla devant la passion de cette femme, comme ces enfants qui s’enfuient loin de la mer en disant qu’elle est trop grande, et une idée morale lui vint en