Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/26

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Il fréquentait les tavernes, les écuries et les cochers ; souvent, sur la place, on le vit boxer avec les grooms. Il était chéri du peuple et haï de la noblesse. Plusieurs fois il fut sur le point d’adresser des discours à la multitude.

À Venise, souvent, le soir, il prenait un gondolier et faisait ainsi plusieurs lieues en mer, se laissant ballotter par le roulis ; rentré chez lui, il se défaisait de ses habits de deuil et restait toute la nuit à regarder une tête de mort posée au milieu de sa cheminée. Il aimait l’Italie, il l’adorait comme une mère ou une amante ; il l’aimait, parce que là on y trouve des cœurs qui aiment ou qui haïssent, des yeux qui vous lancent des éclairs d’amour ou de passion ; là on y trouve toujours quelque femme belle et inconnue, comme un songe doré de jeune homme ; là on y trouve ou amour ou poignard ; là on y trouve toujours quelques sons d’une guitare et d’une voix suave, qui résonnent le soir au clair de lune sur les eaux blanches du lac voisin ; là on y trouve enfin toujours quelque sujet de drame ou de roman.

Byron ne trouvait rien de beau comme la liberté, rien de hideux comme l’or. Plusieurs fois il affronta le danger par plaisir ou par vanité, et, en Grèce, il préféra la mort à une saignée. Il y alla pour concourir à la renaissance d’un pays mort par l’esclavage ; il alla pour relever le char de la Liberté de la fange où l’avaient enfoncé les tyrans, mais cette fange-là elle ennoblit, elle immortalisa Byron, le fils du siècle.